Bonsoir les amis,
Avant de commencer à traiter du sujet de l’article, je voudrais rapidement revenir sur le précédent article car j’ai reçu des justes critiques (dont une de Mathieu de Rôliste TV rien que ça) et de même, en repensant à certains éléments que j’avais écrit (puis l’article précédent était relativement mauvais car rapidement torché il faut bien l’avouer), il me faut clarifier quelques éléments. Effectivement, j’étais dans des approximations car je le redis, je n’ai pour l’instant que survolé par ci par là le livre ; étant donné que j’en suis à relire les règles de base et revoir mon dernier scénario préparé avant de m’engager dans ce supplément et donc, je ferai des articles plus pointilleux dans de prochains articles. Ensuite, je me suis effectivement planté concernant le dépliant de Kingsport, c’était effectivement logique et bienvenue de le placer dans le supplément dédié à cette ville plutôt que de l’offrir à tous ceux qui avaient au moins souscris au livre des Contrées uniquement ; cela nous aurait de toute façon frustré encore plus de ne pas avoir pris le reste et donc tant pis pour moi j’ai envie de dire ; j’assumerai donc mon choix (et mon budget riquiqui). Pour l’instant, certains livres de la collection ont été fabriqués uniquement pour les détenteurs de la Boîte collector et, connaissant Sans-Détour, ils ne seront pas réédités tout de suite (voir jamais pour certains ouvrages) à titre d’ouvrage seul pour les magasins. On peut déjà penser que « Murmures par-delà les songes » qui est un recueil de scénario complètera peut être d’ici la rentrée les étalages, mais c’est vrai qu’en toute logique, pour continuer à rendre le financement participatif attractif, on peut déjà imaginer que Sans-Détour se fera désirer. Alors je tenais à le dire ici : Si je devais choisir uniquement un livre parmi tous ceux qui accompagnaient cette boîte, je choisirai « Le sens de l’escamoteur » qui semble être une mini campagne exclusivement américaine qui n’était pas du tout prévue à la base. S’ils pouvaient la ressortir pour Noël ou même dans un an, je pense que je l’achèterai sans hésiter. Je crois que c’est le supplément qui m’a le plus fait « tiquer » sur la page Ulule et j’étais très content qu’il soit débloqué pour les souscripteurs. Donc j’espère qu’il ressortira un jour, même si ce n’est pas pour tout de suite, je suis prêt à patienter le temps qu’il faudra.
Voilà désolé donc d’avoir un peu « torché » l’article
précédent et avoir fait des erreurs, c’était surtout pour marquer bêtement l’arrivée
de ce colis tant attendu dans la douleur, mais avec finalement toutes ses
promesses honorées. Il n’en reste pas moins que je campe sur ma position et que
j’attendrai dorénavant la sortie en magasin ; sans rancune.
Comme promis, je vous publie ici un article dédié aux
traductions françaises des romans et nouvelles de Lovecraft. En effet, l’œuvre étant
dans le domaine public, nous arrivons au stade où 4 traductions et 6 voir 7
éditions différentes se font actuellement concurrence dans les librairies et
parmi ces traductions, il y en a 3 qui sont récentes (2010 à 2015) et qui proposent
chacune leur version « dépoussiérée » de l’écriture de Lovecraft.

Qu’est-ce que Lovecraft en France avant ces nouvelles
traductions ?
Et bien c’est un auteur qui a fasciné, mais qui a été aussi
pendant longtemps mal aimé des universitaires (au même titre que Tolkien l’a
été et l’est encore parfois aujourd’hui). Auteur de niche, de genre, pas
vraiment de la littérature à proprement parler, mais plutôt un auteur
préfigurant la science-fiction ou la fantasy moderne ; la France avait
jusque là, très vite fait de traduire Lovecraft sans trop se soucier de son
écriture ; le plaçant durant plusieurs décennie comme un auteur de genre
et non comme un écrivain de littérature « pure » (au sens où ce n’est
pas tant le sujet et la représentation que l’écriture même qui est un enjeu, un
peu comme on pourrait différencier un Moebius ou un Druillet d’une licence « les
blondes » ou « les profs » dans la BD).
Mais oui, mais voilà, entre temps, des fans se sont emparés
de son œuvre et notamment des écrivains et poètes de renom comme Michel Houellebecq,
des historiens d’auteurs ont consacré des travaux sur Lovecraft au point de
découvrir de nouveaux textes et surtout de nouvelles facettes de l’auteur
encore aujourd’hui (et même que ce n’est pas terminé paraît-il). On sait
maintenant qu’il ne lisait pas que du Poe, mais aussi des écrivains français,
on sait que sa légendaire misanthropie s’accompagnait d’une forme d’ambivalence
dans le fait qu’il voyageait beaucoup et discutait avec énormément de gens à
travers le pays (de vive voix et de correspondance) au point de devenir parfois
un sujet de discussion dans les transports entre des inconnus qui l’avaient
rencontré à divers endroits. On en sait plus aussi sur son rapport au racisme
et son antisémitisme qui s’accompagnaient aussi de formes de repentirs à
certains moments de sa vie (en remettant d’ailleurs son rapport à ces questions
dans le contexte de son pays à l’époque où malheureusement c’était choses
banales ; de même qu’en France, rappelons le, il n’a pas fallu attendre l’occupation
allemande pour que l’antisémitisme existe, il était institutionnalisé comme en
atteste l’affaire Dreyfus).
Donc la question, avant de savoir, quelle traduction
choisir, c’est de savoir comment vous percevez l’œuvre de Lovecraft ?
Est-ce que l’on doit la considérer comme étant l’œuvre d’un
auteur à part entière avec des enjeux littéraires et pas seulement des commandes
« pulps » pour des magazines ? Ou bien est-ce qu’on doit
replacer son travail dans le genre dans lequel on l’a un peu « coincé »
au point d’avoir failli passer à côté de son œuvre ? Est-ce qu’on doit
faire du « fan service » et plaire à une communauté geek toute
puissante ? Qui est non seulement la clientèle principale pour cet auteur,
mais aussi sa productrice avec l’arrivée du financement participatif ?
On pourrait même ouvrir sur cette question : Le public
doit-il être le décisionnaire dans l’industrie culturelle en général ? Que
ce soit en musique, en art, en cinéma, BD et romans ? Ou bien faut-il
confier les rennes à des gens garants d’une certaine intégrité et exigence
artistique ?
Et puis comment traduire Lovecraft une fois ces choix
réalisés ?
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Je ne connais pas les décisions à prendre lorsqu’on traduit,
ni les buts fixés en amont entre le respect littéraire de l’auteur ou la
volonté de faire entrer la version française de Lovecraft au XXIème siècle.
Alors une autre question me vient en tête :
Une fois qu’on a déterminé à peu près les choses à faire et
à ne pas faire et comment appréhender enfin Lovecraft afin de le redécouvrir ;
on choisit qui comme traducteurs ?
Et bien vous avez actuellement trois choix :
_David Camus aux éditions Mnémos (Helios) qui a un parcours
littéraire universitaire, qui est habitué au genre SF au point d’avoir
participé à nombre de publications tels que Stephen King, Clive Barker, Anne
Rice pour ne citer que les plus connus parmi les auteurs « de genre »
renommé dans plusieurs pays. Et bien sûr, David Camus a lui aussi des romans à
son actif. Et actuellement, pour les fans de Lovecraft, c’est le premier choix
de traduction d’autant que la critique semble avoir soutenu son travail et que
l’édition a fait un job de qualité il faut bien le dire.
_Bragelone en partenariat avec Sans-Détour qui ont convoqué
plusieurs traducteurs, ce qui ne se fait pas traditionnellement pour traiter d’un
« grand écrivain », mais qui semble être de bonne volonté pour
produire une traduction véritablement neuve et avec le souci de respecter la
langue maternelle de l’auteur avant la notre (du moins c’est à peu près ce que
j’ai retenu de l’interview que j’ai lu). Et évidemment, cela accompagne les
ouvrages du jeu de rôle puisqu’on retrouve les illustrations de Loïc Muzy.
_Enfin, l’édition du Seuil, traduite par François Bon qui
est un écrivain renommé en France, qui a mené un travail traditionnel avec une
nouvelle préface explicative, une traduction la plus fidèle possible au point
de déranger certains par l’aspect littéral ou répétitif dans certains passages.
Et pour le coup, on sort de la traduction par un auteur de genre, pour faire
place à un écrivain qui met l’écriture au centre des enjeux et non plus les
sujets des nouvelles. On est vraiment dans la tradition de la traduction en France
avec un grand écrivain qui en traduit un autre au nom de la littérature avant
tout.
Alors quel sera mon parti pris ?

Pour Sans-Détour, là encore, je suis personnellement
sceptique sur le fait de traduire à plusieurs mains comme pour essayer de
produire un travail neutre, je crois qu’il ne faut pas avoir peur de se salir
les mains dans une traductions car c’est de toute façon, forcément une
trahison. Et là encore c’est cher car il faut payer Loïc Muzy, plusieurs
traducteurs, deux éditeurs. Et puis, autant j’adore le jeu de rôle de l’Appel
de Chtulhu (au point de n’avoir rien de mieux que d’alimenter ce blog dédié
comme vous l’aurez remarqué), autant je crois qu’il faut distancier l’œuvre littéraire
d’un jeu de rôle (qui voit maintenant ses concurrents apparaître et ses versions
dystopiques se multiplier). Je ne ressens pas le besoin d’avoir les dessins de
Loïc Muzy sous le nez pour lire car je les place dans le cadre d’une
interprétation des monstres du jeu avant tout et je n’ai pas envie d’en faire
quelque chose d’incontournable.
Je me tourne donc vers les traductions de François Bon, je
trouve son parcours atypique, sa carrière intéressante. Je me retrouve dans ce
traducteur qui est dans un milieu quand même très accès sur des écritures
contemporaines depuis les années 90, de la poésie contemporaine, des
expérimentations numériques (parmi les premiers auteurs français à faire cela),
les micros éditions auxquelles il participe. Je me retrouve finalement dans ce
choix qui sort un peu du genre SF pour venir enfin à l’écriture en tant que
telle et à la littérature. Et m’intéressant un peu à cette scène littéraire
française qui ne fait pas que du roman disons « attendu » (sans
forcément être du roman de genre), mais qui produit aussi de l’écriture
contemporaine et fait vivre la littérature sans forcément être pieds et poings
liés au commerce du livre ; je suis plutôt tenté par son travail.
Et donc j’ai déjà acheté plusieurs de ses traductions que j’ai
pu comparer aux éditions « J’ai lu » et « 10/18 » qu’on
avait jusque là, et bien je dois dire que comme il a été dit pour les
traductions de David Camus, que la traduction est beaucoup plus fluide et
agréable à lire. Et on sent pourtant que Lovecraft est un auteur d’il y a cent
ans, au moment où le roman est de son époque dans sa densité d’écriture, mais
aussi ses légèretés et bien sûr, les questionnements métaphysiques chez
Lovecraft.
De plus, dans les préfaces, on apprend à chaque fois plein
de choses, François Bon revient sur son travail et ce qu’il a découvert de
Lovecraft.
Autre bon point : Il y a des nouvelles qui ne sont pas
forcément traduites, il n’y a pas que les écrits que tout le monde connaît, il
y a aussi la volonté de mettre à la même place d’autres écrits qu’on connaît
moins ou pas du tout. Et donc les traductions ne suivent pas une thématique de
l’univers fictif de Lovecraft, mais la chronologie du moment où ils ont été
écrit. A quels moments de sa vie, et ce qu’ils racontent sur l’auteur.
Donc c’est très intéressant, on est devant un travail
littéraire qui rend sobrement hommage à un auteur injustement placé comme un
auteur de genre tandis que le parti pris actuel, veut que l’on place maintenant
Lovecraft comme faisant partie de ce qu’on appelle généralement les « grands
écrivains ».
C’est donc l’édition qui fera mentir les universitaires
encore sceptiques ou pris dans une image dépassée de l’auteur et de son œuvre.
De plus c’est à chaque fois deux fois moins cher que ses
concurrents, l’édition est modeste, mais jolie et originale. C’est une
collection qu’on peut facilement se constituer et je suis personnellement très
content de les posséder quasiment tous. J’ai la couleur tombée du ciel, Dagon
et autres récits d’horreur, montagnes de la folie, chuchotements dans la nuit,
la maison maudite. Il me manque l’appel de chtulhu et dans l’abîme du temps car
je les ai dans d’autres éditions (et à force d’acheter différentes éditions, j’ai
trois fois par-delà le mur du sommeil et j’en ai marre ah ah ah) et j’achèterai
les suivants.
Autre bon point pour François Bon, il est très actifs sur
les réseaux sociaux et aussi sur Youtube avec sa propre chaîne qu’il alimente
très régulièrement en parlant de son travail sur Lovecraft, mais pas que. Il
fait des lectures de textes très plaisantes, il installe une forme de proximité
et de complicité avec son public et ça le rend particulièrement sympathique et
proche de nous ; pour le coup cela fonctionne.
Donc mon choix est fixé, mon parti est pris, j’ai choisi les
traductions de François Bon qui représentent pour moi les traductions
littéraires d’une époque clef où Lovecraft est en train de changer de statut et
de révéler encore des secrets et je trouve cela intéressant d’avoir une
traduction d’un écrivain qu’on placerait d’avantage dans la poésie
contemporaine (bien qu’il ait plusieurs romans récompensés durant sa carrière).
Alors, pour moi, aucune traduction ne prévaut sur une autre
actuellement, j’effectue un choix qui me regarde, qui va avec mon rapport au
livre et à la littérature et avec mes affinités. Cela ne disqualifie en rien
les autres versions, même celles de Folio ou J’ai lu ou autres bien que ce
serait dommage maintenant de les acheter neuf et de subir le style lourd de leurs
traductions quand les nouvelles ont globalement rendus plus fluides la lecture.
De même pour Bragelonne et Sans-Détour, les préfaces et textes accompagnant les
récits, apportent eux aussi quelque chose en plus. Et pour Mnemos encore une
fois, c’est un choix tout à fait intéressant et il n’y a rien à redire sur la
qualité de la traduction et d’édition selon les critiques et ceux qui ont fait
le choix d’Helios.
A côté de cela, les éditions du Seuils proposent des livres
plus fins, plus petits, plus modestes dans leur réalisation ; tout dépend
si vous êtes un geek collectionneur ou bien le genre de gars (comme moi) qui se concentre plutôt sur l’écriture
et n’a rien besoin de plus.
Donc à vous de faire vos choix parmi toutes les pistes
abordées concernant ce que doit être une traduction et ce que doit être
Lovecraft ici et maintenant pour nous, notre façon de consommer de la culture,
notre façon de l’aborder maintenant que la pop culture a définitivement
kidnappé l’univers des récits de son auteur tel un monstre échappant à son
créateur (et l’allusion au roman de Shelley est bienvenue ici).
Je vais donc conclure par ce qu’a répondu François Bon lors d’une
discussion sur le sujet dans les réseaux sociaux l’autre jour :
« Le meilleur moyen, c’est encore de tous les tester ».
J’espère que cet article vous aura plus, si vous avez fait
un autre choix que moi, n’hésitez pas à m’en parler et si vous désirez
participer à votre tour à la rédaction de ce blog, contactez moi.
Dieter Crane : Rédacteur en Chef et Gardien débutant.
Y a un excellent article de Marie Perrier sur le sujet dans l'album "Lovecraft au coeur du cauchemar". En particulier pour ce qui est de la "qualité" du travail de F. Bon, le exemples sont assez dévastateurs :)
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